La suite de l'entretien avec Libération, qui en dit beaucoup sur le mode de fonctionnement du concierge de beauvau.
Si vous avez manqué la première partie c'est ici
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Et ne faites-vous pas un amalgame quand vous annoncez, dès le début des événements en banlieue, qu'il s'agit de bandes qui manipulent, alors que par la suite le rapport des RG va dire le contraire ?
Je confirme les chiffres : 70 % des gens qui ont été arrêtés avaient un passé délictuel. La preuve : comment voulez-vous qu'il y ait eu 800 condamnations à de la prison ferme s'il s'était agi de primodélinquants ? Les deux tiers des émeutiers étaient des multiréitérants (connus de la police, ndlr). La preuve, c'est qu'on ne va pas en prison quand on incendie une voiture pour la première fois ou qu'on jette des pierres sur les forces de l'ordre.
L'argumentaire de Sarkozy est de dire que parce que quelqu'un est condamné à de la prison ferme, il a commis des délits avant. C'est très fort de café. Un rapport le contredit en tout point, mais il continue pour légitimer ses pratiques et ses dérapages verbaux. Cela n'est pas la première fois qu'il joue avec la réalité.
Les chiffres de la justice disent le contraire...
Les deux tiers des personnes interpellées étaient connues des services de police. Ce n'est pas parce qu'une personne n'est pas condamnée qu'elle n'a pas commis d'infraction.
Nous frisons l'ubuesque. Si une personne n'est pas condamnée, elle peut quand même avoir fait quelque chose de pas bien. Donc la justice ne fait pas son travail ? C'est la conclusion qu'il faut tirer ? Sarkozy sort les rames pour ne pas se contredire et rester dans la droite ligne de ses déclarations fumeuses.
Le Pen vous décerne des brevets de bonne pratique, et Lilian Thuram déclare : «Le discours de Sarkozy est dangereux, car il réveille le racisme latent qui sommeille chez les gens.» Cela ne vous trouble pas ?
Arrêtez de citer Le Pen comme référence unique. Et vous, vous n'êtes pas troublés d'avoir dénoncé pendant vingt-cinq ans une réalité que vous n'avez cessé d'exalter et d'exciter ?
Vous parlez de Lilian Thuram ?
Non, de vous, Libération ! Quant à Thuram, je le plains de pouvoir être si caricatural. C'est un grand footballeur, ce n'est pas encore un maître à penser... Est-ce que vous n'êtes pas troublés que ces véhémentes dénonciations du FN n'ont abouti qu'à une seule chose : à enfler le phénomène du FN ? Est-ce que vous n'êtes pas troublés que la pensée unique dont vous êtes vous, comme d'autres, les porteurs, n'a conduit qu'à pousser à la désespérance un certain nombre de gens qui n'ont rien à voir avec le FN ? Est-ce que vous expliquez comment l'extrême droite a pu passer de 3 % au début des années 80 à 25 % sous François Mitterrand ? Est-ce que vous ne pensez pas qu'il convient que, les uns et les autres, on se remette en question dans notre façon de parler, de faire de la politique et de répondre aux angoisses des gens ? Ces questions, est-ce que vous ne vous les posez pas ? Est-ce que vous ne pensez pas, vous, qui perdez des lecteurs, qu'il y a un décalage entre la réalité et ce que vous écrivez ? Car qui sont les électeurs du FN ? Il y a sans doute une petite partie d'authentiques fascistes ou racistes, mais l'immense majorité, ce sont des gens qui poussent un cri d'appel au secours. Ils ont peur, ils se sentent abandonnés. Parce que nous, journalistes et politiques, nous leur donnons le sentiment de ne pas parler pour eux. Le fait que je sois entendu de tous ces gens devrait plutôt vous réjouir. On n'a pas le droit de considérer que les 20 % de gens qui ont voté pour Le Pen sont à tout jamais perdus pour la République.
Les chiffres ne sont pas le fort du petit Nicolas Sarkozy. Parler d'un Fhaine à 25% sous mitterrand c'est comme parler des 10 000 morts du 11 septembre. C'est grotesque. Quant à sa dernière phrase, il faut comprendre, il ne sont pas perdus pour la république moi, successeur du borgne.
Donc, vous pensez être un rempart essentiel contre la montée du FN ?
Exactement. Quant à monsieur Thuram, s'il pensait que j'étais si proche du FN, il ne serait pas venu discuter avec moi pendant une heure.
A sa sortie, il a quand même déclaré que votre discours réveillait le racisme latent qui sommeille chez les gens.
Monsieur Thuram, ça fait bien longtemps qu'il n'a pas été dans les banlieues. Il vit en Italie, avec un salaire qui le regarde. Permettez-moi de vous dire que je considère que je connais un peu mieux ce qui se passe dans les banlieues françaises que Lilian Thuram, qui a certainement une vision nostalgique de ce qui se passait dans les banlieues à l'époque où il s'y trouvait.
Encore une non-réponse. Où est passé le racisme latent ? C'est une vraie question ! Parler de racaille et de Karcher, cela n'est pas anodin ni innocent.
Vous dites la même chose de Jamel Debbouze ou de Joey Starr, ces stars issues de l'immigration qui invitent aujourd'hui les jeunes à voter en 2007 ?
Je ne peux que me réjouir qu'ils appellent les jeunes à voter, car voter c'est participer à la vie de notre pays. Je suis moi-même allé plus de 40 fois dans les quartiers difficiles en tant que ministre de l'Intérieur, justement pour faire en sorte que ces quartiers soient mieux intégrés à la vie de notre pays. Mais je ne reconnais aucun titre à Joey Starr, compte tenu de son passé, ni à Jamel Debbouze de me donner des leçons de droits de l'homme ou de respect des autres. Nous pouvons comparer nos bilans.
Le passé d'un homme fait de lui un paria ? Faut-il alors exclure le petit Nicolas Sarkozy qui s'est fait balayer par les français lorsque Ballamouchi c'est pris une gifle ? Ce qui est valable pour les autres n'est pas valable pour lui ?
Vous pouvez donc nous annoncer que le score de Le Pen sera en très nette baisse en 2007 ?
Je ne sais pas, je ne lis pas dans le marc de café. Ce que je peux dire, c'est que, sur les dix élections législatives partielles et les quelque 200 cantonales partielles, le FN a perdu en moyenne entre 30 et 40 % de ses suffrages.
Normal, l'UMP a tout piqué au parti de Le Pen ! L'électorat suit ... CQFD
Que répondez-vous à l'évêque d'Arras qui se plaint des poursuites contre les associations qui aident les migrants à Sangatte ?
Ecoutez, dans le Calaisis, il y avait 3 000 personnes dans un hangar. Peu de ministres sont allés autant que moi dans le Calaisis. On ne peut pas dire que je ne m'en suis pas occupé. J'ai fermé Sangatte, j'ai divisé par dix le nombre de migrants, j'ai multiplié par deux le nombre de places dans les centres d'hébergement. N'oubliez pas que les migrants du Calaisis ne souhaitent pas rester chez nous. Ils ne demandent pas l'asile. Ils veulent aller au Royaume-Uni. C'est vrai que j'ai aussi augmenté le nombre de places de rétention pour les reconduire dans leur pays.
On croirait entendre un vendeur de bétail s'exprimer dans un comice agricole. Les mensonges en plus.
Quelle horreur ! Et que pensez-vous des déclarations du commissaire aux Droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à propos du dépôt des étrangers de Paris : «De ma vie, sauf peut-être en Moldavie, je n'ai vu un centre pire que celui-là» ?
Vous n'avez pas sanctionné les propos homophobes du député UMP Christian Vanneste. Est-ce une position tolérée au sein de votre parti ?
Ces propos, je les ai dénoncés fermement en conférence de presse. J'ai trente ans de vie politique derrière moi. On ne peut me reprocher aucune déclaration qui ne soit pas conforme aux valeurs de la République. C'est moi le premier qui ai regretté l'attitude de la droite face au Pacs et qui ai fait voter un statut fiscal pour les pacsés.
Mais ce député, comme un autre qui a proposé de déchoir les émeutiers de leur nationalité, reste dans votre parti...
Oui, bien sûr, et alors ? A l'UMP, c'est comme à Libération, il n'y a pas de ligne obligatoire.
Donc, il n'y a pas de ligne à l'UMP ?
Il y a une ligne à l'UMP pour les principaux sujets. Pour le reste, je peux défendre le droit de vote pour les immigrés sans être majoritaire. C'est même ce que Libération avait retenu en titrant : «Sarkozy giflé par les siens».
Vous n'êtes toujours pas favorable à ce qu'on revienne sur la loi qui demande aux manuels scolaires de reconnaître le «rôle positif» de la colonisation ?
Je suis favorable à ce qu'on trouve une solution pour sortir de cette crise, car l'émotion créée dans les départements d'outre-mer est réelle. Je ne suis pas pour autant favorable à un exercice de repentance systématique. Je crois qu'il faut expliquer que l'article 4 ne s'adressait pas aux départements d'outre-mer, au sens où on les entend aujourd'hui, mais s'adressait à la France d'outre-mer (l'ensemble de l'ancien empire colonial, ndlr). Une nouvelle rédaction pourrait lever les malentendus sur ce point. Nous pouvons par ailleurs être fiers qu'en 2001 l'Assemblée nationale ait qualifié l'esclavage de crime contre l'humanité. Quant à la date de commémoration de l'abolition de l'esclavage, j'ai eu l'occasion d'évoquer celle du 10 mai. D'autres pensent que celle du 23 mai pourrait aussi être envisagée. Le débat est ouvert. Je suis attentif et prêt à me rallier à la date qui fera le plus consensus.
2001 : rappelez moi le nom du gouvernement de l'époque ?
Vous ne craignez pas d'avoir les jeunes contre vous en 2007 ?
Les jeunes ont deux aspirations : trouver un travail et réussir leur vie. Ils veulent que la France change à l'unisson du monde qui bouge. Je veux porter une énergie nouvelle au service de ce changement. Nombreux sont les jeunes qui l'ont compris et nous rejoignent. Si j'en juge par l'accueil qu'ils ont réservé aux stars du show biz, ils ne sont pas décidés à être récupérés. Ils veulent qu'on les respecte. C'est très exactement ce que je veux faire.
Nicolas Sarkozy n'est plus jeunes depuis longtemps ... La première aspiration d'un jeune serait de trouver un travail ? Comment peut-il mieux savoir que les jeunes eux-mêmes ?
Votre image s'est droitisée alors qu'un candidat à la présidentielle doit rassembler. Cela vous rend pessimiste pour la suite ?
Je ne vois ni dérive, ni droitisation, mais des Français de droite comme de gauche qui veulent que les valeurs du travail, du respect, de l'autorité, de la justice et de l'humanité soient davantage mises en avant. Ce sont les valeurs que je défends. Elles sont celles de tous les Français.
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