[1ère publication le 7 décembre 2005]
Nicolas Sarkozy qui veut plaire à tous et toutes, se doit de rencontrer ceux qui représentent une "communauté" ou une "classe particulière" (les enseignants, les inséminateurs, les proctologues etc ....)
Il avait comme projet de rencontrer Aimé Césaire, monstre de la poésie contemporaine, qui maîtrise le verbe comme un Karcher. Lequel a rétorqué justement qu'il ne souhaitait pas se cogner le petit Sarkozy entre quatre yeux.
Aimé Césaire justifie son choix ainsi :
"Parce que, auteur du discours sur le colonialisme, je reste fidèle à ma doctrine et anticolonialiste résolu. Et ne saurais paraître me rallier à l'esprit et à la lettre de la loi du 23 février 2005" sur la reconnaissance dans les programmes scolaires du "rôle positif de la présence française en outre-mer".
C'est vrai que Sarkozy n'est pas culotté. Il est le chef du parti qui a tout fait pour que la colonisation soit enseignée comme un fait positif à nos chères têtes blondes. Avant peut-être de parler des francs et de la pureté de leur race ou je ne sais quelles avanies du même genre.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce poète à la plume acérée et habile, sarkophage propose une lecture d'une partie de son oeuvre.
Il recommande d'ailleurs à tous les populistes qui veulent réécrire l'histoire de confronter ce poème à l'illusion qu'ils veulent enseigner.
Attention, âmes sensibles s'abstenir !
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Entre colonisateur et colonisé, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, l'impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.
Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l'homme colonisateur, en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l'homme indigène en instrument de production.
A mon tour de poser une équation : colonisation = chosification
J'entends la tempête. On me parle de progrès, de "réalisations", de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d'eux même.
Moi je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, de cultures piétinées, d'institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d'extraordinaires possibilités supprimées.
On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer.
Moi je parle de milliers d'hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l'heure ou j'écris, sont en train de creuser à la main le port d'Abidjan. Je parle de millions d'hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à leur danse, à la sagesse.
Je parle de millions d'hommes à qui m'on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme.
On m'en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d'hectares d'olivier ou de vignes plantés.
Moi, je parle d'économies naturelles, d'économies harmonieuses et viables, d'économies à la mesure de l'homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières.
On se targue d'abus supprimés.
Moi aussi, je parle d'abus, mais pour dire qu'aux anciens - très réels - on en a superposés d'autres - très détestables. On me parle de tyrans locaux mis à la raison ; mais je constate qu'en général ils font très bon ménage avec les nouveaux et que, de ceux ci aux anciens et vice-versa, il s'est établi au détriment des peuples, un circuit de bons services et de complicité.
On me parle de civilisation, je parle de prolétarisation et de mystification.
Aimé Césaire
Discours sur le colonialisme
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[Maj du 08.03.2006]
Césaire s'exprimant sur Radio Caraïbe à propos de Nicolas Sarkozy et de sa visite aux Antilles :
«C'est qui, ce jeune homme ? Pourquoi voudrait-il me rencontrer ? Je ne le connais pas.»
Commentaire de Sarkophage : il y en a qui ont de la chance ! Car certains sont proches de la nausée à force de trop voir sa tête ...
[Maj du 10.05.2006]
Cesaire rencontrant Olivier Besancenot en visite à la Martinique s'exprime sur Nicolas Sarkozy :
Comme Laurent Fabius et M. Sarkozy avant lui, M. Besancenot a rencontré Aimé Césaire lors de son passage à Fort-de-France. "Vous avez été le premier à dire stop à Sarkozy", lance-t-il, admiratif. "C'est un type dangereux", lui répond le vieux poète.