Ce jour c'est un duo de dessinateurs que nous recevons. C'est assez rare dans le secteur pour le signaler. Ce duo, la p'tite blan (attention, c'est bien la p'tite blan !) a les idées bien en place.
Pour éviter la bagarre à coup de crayon chacun à eu la parole. Et qu'est ce qu'ils sont bavards ces deux là ! Pour notre plus grand bonheur de lecteur.
Retrouvez les oeuvres de ces deux compères sur leur blog : La p'tite blan
La p’tite Blan» n’est pas une dessinatrice, mais un duo composé de Blan qui écrit et de Galou qui illustre. La p’tite Blan, c’est aussi le nom de leur personnage phare : Une héroïne de BD lesbienne, cynique et passablement énervée par l’état de notre société !
Le dessin c'est un besoin ? Un exutoire ? Un ronge frein ? Un sacerdoce sans la soutane ? Une souffrance ? Ca file des ampoules ? De la corne aux mains ?
Blan : C’est du bonheur d’abord et du partage. C’est parfois une alerte, comme pour dire : «Attention». Le monde ne tourne pas rond mais avec les dessins on essaye de le rendre un peu plus ovale. C’est aussi un exutoire pour nos maux ou ceux de la société.
Et on fait comment pour travailler à quatre mains ?
Blan : En général je propose des idées, des mots et Galou les illustre. Travailler à deux ajoute de la magie. Parfois un texte ou une illu seuls ne donnent rien, mais ensemble ils deviennent puissants, c’est ce que l’on recherche.
Comment avez vous fait vos armes de dessinateurs ? Faut-il des gènes sans s'appeler eugène ? Le talent ça se trouve sur Le Bon coin ?
Galou : J’ai fait mes premières armes dans les couloirs du métro avec un gros feutre Posca, considéré alors comme un objet subversif par les autorités. Dans les années 80, être en possession d’un Posca faisait de vous un délinquant potentiel ! ça ne fait que quatre ou cinq ans que je me penche sur le dessin de BD grâce à La p’tite Blan. Je passe des heures au dessus de ma table de travail et ne me déplace jamais sans un carnet et quelques feutres. J’apprends tout seul et à force d’heures de travail j’améliore mon style et je progresse.
Que ou qui préférez vous dessiner ? Y a-t-il des sujets / personnes difficiles ou impossibles à croquer ? Avez vous de vraies allergies ?
Galou : Je n’ai pas vraiment de préférence. Pour caricaturer un personnage politique, je galère pas mal avant de trouver le trait juste mais une fois que je le tiens, je m’amuse avec. J’ai du mal à rire du FN par contre, j’ai peur que mon dessin soit mal interprété, mais comme Blan insiste pour en parler, je fais de mon mieux ! Dessiner un black me pose aussi problème car je ne veux pas tomber dans la caricature comme on le voit si souvent. J’ai pas mal de potes blacks qui me demandent de les croquer et je suis toujours embêté pour le faire... Comme ils viennent du milieu rap, je m’arrange toujours pour trouver des subterfuges !
Et des disputes dans le duo ?
Blan : Aucun duo n’y échappe. On est très différents et sur des sujets aussi passionnés que la politique, l’actualité, les droits des personnes LGBT, etc., on n’est pas forcément d’accord tout le temps. Sur le fond, on diverge assez peu, sur la forme il nous arrive de nous chamailler.
Quels sont les dessinateurs à qui vous demanderiez un totographe ? Et ceux avec qui vous ne passeriez pas Noël ? (des noms, des noms !)
Galou : Je voue une admiration sans faille à Run, l’auteur de «Mutafukaz» (Ankama). Ce type est un génie et chacun de ses bouquins est à tomber par terre (Run, si tu me lis!). Larcenet m’a littéralement soufflé avec son «Blast» (Dargaud) brillantissime! J’en oublie mais il y a Fabcaro, Richard Thompson, Ancco, Dran et celui qui m’a vraiment inspiré, le célèbre Bill Watterson. Pour ce qui est de la dernière partie de la question, je suis un peu trop lâche pour répondre mais promis, quand on aura vendu 20 000 exemplaires de La p’tite Blan, je balancerai!
Vos opinions sont elles dans vos dessins ? Peut-on rester neutre et impartial quand on dessine ? On se sent mieux ou pas après avoir fini ?
Blan : Dessiner, pour nous, c’est s’engager. On essaie de faire sourire en faisant réfléchir sur des sujets importants. Quand ça marche, on est contents et on l’impression de faire avancer le Schmilblick. Mais c’est difficile de se sentir réellement mieux quand on voit ce qu’il se passe.
Pour 2012 avez vous un plan de bataille ? La campagne présidentielle fera-t-elle de votre part l'objet d'un traitement particulier ? Avez vous envie de soutenir ou dézinguer un candidat, un parti plus spécifiquement ?
Blan : On ne cherche pas à dézinguer un candidat en particulier, mais plutôt certaines idées dégueulasses. Et y’a du boulot, ça va dézinguer sévère. Pour le reste, on n’a pas vraiment de plan de bataille, mais plutôt un engagement fort contre les dérives actuelles : Identitaires, sécuritaires, financières, etc.
Pensez vous qu'un dessinateur puisse influencer le vote des citoyens ?
Galou : Je pense que le dessin doit éveiller les consciences, aller à l’essentiel et marquer les esprits. De là à influencer un vote, je ne crois pas non. Ce serait dangereux. Chacun se forge son opinion et si nous pouvons partager les nôtres avec le plus grand nombre c’est tant mieux.
Si 2012 est une répétition de 2002 avec un candidat "républicain" face au candidat du FN, quelle position adopterez vous ? Cela vous inquiète ?
Blan : Bien sûr que ça nous inquiète ! D’autant plus que la droite actuelle est de moins en moins républicaine, alors si ça se trouve on n’aura même pas de choix à faire. Il ne nous restera plus qu’à fomenter une révolution... Pourquoi attendre d’ailleurs ?
Comment travaillez vous concrètement ? Au crayon ? A la plume de pigeon comme Chirac ? Avec un logiciel de derrière les fagots? Racontez-nous vos recettes de fabrication on ne les répètera pas !.
Galou : Je commence par un petit crayonnage et je termine par les feutres. On m’a conseillé l’encre de chine mais ça me saoule, j’en mets partout. Quelques retouches avec photoshop mais légères car je n’aime pas les dessins faits sur logiciel, ça manque d’âme et de vie. Pour moi, rien ne vaut le noir et blanc, c’est un gage de qualité parce que parfois la couleur permet de cacher les erreurs, on met des effets et le tour est joué. Tandis qu’avec le noir et blanc, il faut savoir trouver les nuances, les ombres et ce petit trait qui permet à votre dessin de respirer. Je pimente le tout de litres de café et de cigarettes et de musique et voilà, j’y laisse ma santé, mais c’est pour la bonne cause.
Connaissez vous l'angoisse de la page blanche ? Est il facile d'accoucher du dessin que l'on souhaite réaliser ?
Galou : C’est pas une angoisse, c’est de la névrose. Vous passez toujours par des phases où vous n’arrivez à rien et là, c’est un cauchemar. Vous avez beau gommer, raturer, déchirer, recommencer jusque tard dans la nuit, rien n’y fait. Tout est remis en question, votre travail, votre avenir, les engagements que vous avez pris. Retirez à un dessinateur la matière première de son travail et vous en ferez un dépressif. Jusqu’au jour ou ça revient. Vous ne savez pas comment ni pourquoi mais tout se remet en place et vous avalez des kilomètres de crayonnages avec une jouissance absolue. C’est l’étape que je préfère.
Comment voyez vous l'évolution de la liberté d'expression dans notre pays ? Et demain ce sera pire ? Etes vous prêt à mourir sur les barricades pour la défendre ?
Blan : La liberté d’expression a du souci à se faire, surtout depuis que des Mariani, Luca ou Vanneste (et autres députés du collectif de la droite populaire) nous font croire qu’ils la défendent. C’est la liberté d’agression qu’ils revendiquent, leurs idées sont à vomir. (Oh oui, des barricades, une révolution !)
Internet vous apporte-t-il quelque chose en tant que dessinateur, ou l'inverse ?
Blan : Internet nous permet de diffuser nos illustrations. On vient de dépasser les 200 000 pages vues en un mois sur notre blog laptiteblan.fr, ça nous conforte dans notre engagement, on se dit que ce n’est pas inutile et que notre travail plaît à certains. Mais on aimerait aussi sortir d’Internet et publier nos dessins dans des journaux de presse ou des magazines. Avis aux amateurs, on a du potentiel je crois et on aimerait l’exploiter avec d’autres.
Quel serait votre plus grand bonheur en tant que dessinateur ? Pourquoi ?
Galou : Mon plus grand bonheur serait de dessiner sans avoir à me soucier du contenu de mon frigo. Pouvoir vivre de ma passion est une quête que je mène sans relâche parce que la liberté se résume à cela. Du moins, la mienne. Et si Run m’accordait une case dans sa prochaine BD, ce serait le summum.