Délinquance : le fiasco Sarkozy
Il ne manque pas d’air! Alors qu’il est ministre de l’Intérieur depuis 2002, Nicolas Sarkozy enregistre des résultats de sa politique du tout-répressif désastreux. Il propose néanmoins au Parlement une sixième loi sur la sécurité.
Un petit retour en arrière s’impose : 2002. La sécurité avait en effet été utilisée, notamment par Jacques Chirac, comme thème principal du débat. Les médias, non seulement les journaux télévisés, mais également les émissions comme « Le droit de savoir » avaient accompagné le mouvement. D’autant que plusieurs affaires tragiques comme la tuerie de Nanterre apportaient de l’eau au moulin des maniaques de la sécurité. J’ai suivi, comme journaliste, cette période et les mois qui l’ont précédée, notamment en réalisant des enquêtes sur le terrain à propos de la police de proximité mise en place par Jean-Pierre Chevènement.
Les faux-semblants des statistiques
Jean-Pierre Chevènement a-t-il voulu laisser un cadeau empoisonné à Lionel Jospin ? Toujours est-il que l’une des réformes qui furent appliquées dans le cadre de la mise en place de cette fameuse police dans les quartiers fut que les commissariats devaient enregistrer absolument toutes les plaintes. Les policiers que j’ai interrogés à l’époque m’ont confié que cette mesure allait inévitablement faire grimper les statistiques car auparavant, un grand nombre de faits de petite délinquance ne faisaient que l’objet de ce qu’on appelle « une main courante », c’est-à-dire un simple signalement. Quand Daniel Vaillant a succédé à Jean-Pierre Chevènement, il a senti le danger électoral que cela représentait. Via les préfets, il a demandé aux policiers de revenir au système antérieur, mais le mal était fait : les statistiques avaient déjà sérieusement grimpé. Lorsqu’on regarde les chiffres du ministère de l’Intérieur, on est surpris de constater qu’une baisse de la délinquance serait intervenue dès... mars 2002 ! Comme si la perspective de l’arrivée de Chirac au pouvoir avait découragé les délinquants potentiels. On croit rêver....
« L’agité » de la place Beauvau
Le même Chirac, qui a sans doute beaucoup de défauts, mais dont on s’extasie chaque jour du pouvoir de nuisance dans son propre camp, nomma Sarkozy, l’ennemi depuis 1994 au ministère le plus exposé, celui de l’Intérieur. Le plus exposé, puisque Chirac avait bâti sa victoire sur le thème de l’insécurité. A partir de là, « l’agité » de la place Beauvau a multiplié les lois, toutes allant dans le même sens : une plus grande répression, allant jusqu’à empiéter sur les prérogatives de son collègue ministre de la Justice. Nous en sommes au sixième projet qui passe ces jours-ci devant les députés. Entre temps, la première mesure de N. Sarkozy fut de supprimer la police de proximité, mise en place par J.-P. Chevènement. Chacun a encore en souvenir les paroles du ministre quand il se déplaça dans un commissariat où il tança vertement les policiers qui organisaient des activités sportives avec les jeunes des quartiers. « Surveiller et punir », pour reprendre le célèbre ouvrage de Michel Foucault : voilà les deux piliers de la politique Sarkozy.
Premier résultat : la police déconsidérée auprès des jeunes
Aujourd’hui, à la veille des élections présidentielles, tandis que le ministre de l’Intérieur cumule ses fonctions de ministre, président de conseil général, président de l’UMP (quel homme ! vraiment), il faut bien dresser le bilan de son action. D’abord, une partie des policiers, notamment adhérents de l’Unsa, sont les premiers à critiquer l’action de leur ministre de tutelle.(...] . Les élections professionnelles dans la police ont eu lieu ces jours-ci.[...] . Évidemment, Sarkozy s’est mis à dos la majorité des magistrats qui, du fait de ses lois, croulent sous une charge de travail dont ils savent qu’il est mal fait. Plus grave, comme le souligne l’Unsa, les relations entre les jeunes et la police se sont considérablement détériorées. Il faut dire que « l’idéologie Sarkozy » a contribué à faire de jeunes policiers à peine formés de véritables shérifs de banlieue, y compris en province. Les policiers expérimentés ou les maires sont les premiers à s’en désoler, l’étincelle pouvant créer l’incendie à tout instant. Évidemment, on se souvient tous des émeutes de banlieue qui ont eu lieu il y a un an. A sa communication effrénée, Sarkozy ajouta le mensonge, en déclarant que les incendiaires étaient pour la plupart des récidivistes, ce que démentirent les faits. D’après des sources concordantes, relayées notamment par le PS, Sarkozy aurait passé ensuite un deal avec les caïds des banlieues : « Vous tenez vos troupes et vos gosses, et on ne vous embête pas avec vos petits trafics. » J’ai par exemple entendu plusieurs responsables politiques du PS affirmer cela publiquement.
Deuxième résultat : on favorise la sécurité « bourgeoise »
[...] Sarkozy a dû bien lire ses manuels d’histoire car il emploie les mêmes méthodes. Il s’agit moins de faire baisser les actes délictueux que de les rendre moins visibles. Mon Dieu, la population du XVIe ou de Neuilly pourrait en être chagrinée ! La mesure la plus éclatante à cet égard fut la loi de sécurité intérieure, et notamment la nouvelle réglementation de la prostitution. Pour la première fois depuis 1947, la prostitution est considérée comme un délit. La police pourchasse les contrevenantes principalement dans les lieux fréquentés de la capitale. Résultat : les prostituées se sont « délocalisées » en banlieue et dans les bois entourant Paris. Elles sont soumises à toute agression, la plupart du temps sans local ni hygiène. Autant dire que l’objectif de N. Sarkozy, qui était de lutter contre les réseaux de prostitution venant des pays de l’Est ou d’Afrique, a complètement échoué, et les souteneurs peuvent agir désormais en toute impunité, loin des regards de la police.
Troisième résultat : la délinquance en augmentation
A l’instar de son mentor, Charles Pasqua, qui voulait « terroriser les terroristes », Nicolas Sarkozy voulait, dans ses discours en tout cas, faire baisser la délinquance en exerçant une pression maximale sur eux. Aujourd’hui, que constate-t-on ? La délinquance la plus désagréable pour nos concitoyens, les violences aux personnes, n’a pas cessé d’augmenter. [...] qui indique que les violences contre les personnes ont progressé de 6 à 7 % en un an. Là aussi, les statistiques doivent être étudiées avec circonspection : si la délinquance générale stagne, il faut voir dans quel chapitre la baisse est tangible. Ces dernières années, ce sont les vols sur la voie publique qui ont régressé. Pourquoi ? Parce que les opérateurs de téléphones portables, par exemple, ont mis en place des systèmes d’inviolabilité. Jusqu’en 2002, le vol de téléphone portable était l’infraction qui faisait le plus gonfler les statistiques de l’insécurité. Le tout-répressif, adage du ministre de l’Intérieur, montre ici ses limites. Il a beau s’agiter dans tous les sens, multiplier les projets de loi au grand dam de son collègue de la Justice, il ne parvient pas à faire baisser les statistiques. Bilan : un divorce entre la République et les jeunes des banlieues, situation de plus en plus difficile pour les primodélinquants ou les prostituées, augmentation de l’insécurité... Cela fait beaucoup pour un seul homme, même s’il a trois ou quatre mandats.
Au total, le bilan de Sarkozy est un échec inédit. En privilégiant le tout-répressif, il s’est mis à dos non seulement les populations des banlieues, mais aussi les policiers. Un grand écart digne d’un pur démagogue ! Il n’y a plus guère que les populations non informées qui pensent qu’un tel homme puisse être efficace. Dernier événement en date, non seulement l’Unsa de la police demande le retour de la police de proximité, mais un collège de sénateurs, venant de tous partis politiques, également. Rappelons que les sénateurs sont souvent aussi des maires. Pour une fois, le Sénat fait preuve d’intelligence et de mesure pour contrer un ministre-candidat, qui se prend pour un Zorro, alors que l’image du sergent Garcia lui conviendrait bien plus, du fait des lacunes et des erreurs flagrantes du futur candidat Sarkozy.
Par Le Hérisson - Agoravox
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