Nous accueillons un bavard ce jour ! Un dessinateur qui a beaucoup de choses à dire avec sa langue, sa plume et ses mines de crayon. Il s'agit de Yvon, dessinateur de "Candide Graffiti".
Tous les jours il nous gratifie d'un dessin d'actualité. Il rejoint ainsi la catégorie de ceux qui ne peuvent voir le soleil se coucher sans avoir eux même couché sur le papier leur dessin du jour.
Dans l'interview que vous lirez ci-dessous, vous pourrez voir, s'il en était besoin, que le dessin prend sa source dans une vision du monde. Ce n'est pas pédant, c'est une réalité. Le dessinateur travaille avec sa main (certains le font peut-être aussi avec les pieds, le nez, snif, ou tout ce qui peut tenir le crayon et le porte mine) mais s'en sert comme d'une bouche.
C'est aujourd'hui le 12ème dessinateur à répondre aux questions parfois fumeuses du maître des lieux. Et c'est une fois de plus une découverte intéressante.
Pour se rendre chez Yvon c'est ici : Candide Graffiti
Le dessin c'est un besoin ? Un exutoire ? Un ronge frein ? Un sacerdoce sans la soutane ? Une souffrance ? Ca file des ampoules ? De la corne aux mains ?
C’est devenu un besoin. Il y a deux raisons à cela. Une bonne et une bonne. Commençons par le commencement, c’est à dire le petit déjeuner. Tous les matins (et pas forcément après m’être rasé), je prends mon petit dèj. en écoutant les infos à la radio. Et tous les matins, j’ai de bonnes raisons de me sentir furieux de ce que j’entends. Il faut dire que j’ai débarqué sur cette planète alors que le nazisme venait d’en être éradiqué (du moins le croyait-on). Je suis d’ailleurs vraisemblablement le résultat de la fête que mes parents ont dû faire après le passage sous leurs fenêtres d’une Wermacht défaite, talonnée par des jeunes gens roulant en jeep et mâchouillant ce qui semblait être des morceaux de chambres à air. J’ai donc vécu les 64 dernières années (hé oui !) à haïr toute forme de fascisme, même ceux qui paraissent "soft" et se camouflent derrière un déguisement de démocratie. Et voilà qu’au crépuscule de mon parcours terrien, je vois cette bête immonde et brune se redresser et menacer à nouveau le Monde. J’apporte ma pierre à l’indignation… et je m’évite l’ulcère !
Ça ne me file ni des ampoules ni de la corne aux mains. En règle générale, l’idée jaillit simultanément à la « mauvaise nouvelle » et je jette mon inspiration sur le papier. Ça donne parfois des taches de beurre ou de confiture sur « l’œuvre », mais je les gomme avec mon logiciel d’image…
Comment avez vous fait vos armes de dessinateur ? Faut-il des gènes sans s'appeler eugène ? Le talent ça se trouve sur Le Bon coin ?
4 ans de Beaux-Arts suite à un différend avec le principal de mon lycée (il trouvait que j’avais les cheveux trop longs. En 1964, c’était un crime !). J’ai toujours griffonné partout, sur mes cahiers à l’école, sur les nappes de restaurant par la suite. Je ne choisis que des restos avec nappes en papier.
Je n’appellerais pas ça des gènes. Orphelin de père très jeune, ma maman me passait tous mes caprices. Ça aide… Quant à parler de talent… Je dessine, c’est tout. Ni bien, ni mal. Mais je ne suis pas un Moebius, il faut le reconnaître…
Que ou qui préférez vous dessiner ? Y a-t-il des sujets / personnes difficiles ou impossibles à croquer ? Avez vous de vraies allergies ?
J’ai commis, il a déjà pas mal de temps, des bd expliquant l ‘électronique aux gamins. Ça a très bien marché (édité en 5 langues). Quelques années de gloire, puis un joli petit désert à traverser. Mais on est parti pour refaire un nouvel album. J’y retrouve mon enthousiasme « juvénile ». On peut voir ça sur www.resi-et-transi.com.
Aujourd’hui, j’ai rajouté les Graffiti du Candide à ma palette. (www.candide-graffiti.com).
Je me soucie peu de la ressemblance. Sarko-le-Bref est un bon client ! Oreilles décollées, yeux de cocker, guibolles courtaudes et pantalon qui godille…
J’y rajoute un tabouret qui pense et j’ai mon personnage. Pour les autres, c’est « l’intrigue » qui leur donne une quelconque ressemblance. Pour ce qui est des allergies, au contraire, ce sont elles qui m’inspirent le plus !
Quels sont les dessinateurs à qui vous demanderiez un totographe ? Et ceux avec qui vous ne passeriez pas Noël ? (des noms, des noms !)
J’ai eu la grande chance de rencontrer des gens extraordinaires. Moebius-Giraud à un festival d’Angoulême, Frankin, Paepe, Hubinon, Greg, Charlier, Goscinny quand j’étais aux Beaux-Arts de Bruxelles. On leur faisait parfois leurs couleurs, ça faisait 3 sous.
Dupa y était également étudiant. C’était l’époque de « Salut les copains » et on avait créé une petite feuille qu’on avait appelée « Coucou les cocus ». Ne le répétez pas, mais le nom complet de Dupa est Dupanloup. Ça ne s’invente pas !
Je passe Noël avec ma petite femme. D’être devenu cynique, ça rend aussi un peu misanthrope ! Alors la grande kermesse commerciale de Noël, bof… Je suis bien dans ma montagne cévenole, dans ma maison solitaire au milieu des bois…
Vos opinions sont elles dans vos dessins ? Peut-on rester neutre et impartial quand on dessine ? On se sent mieux ou pas après avoir fini ?
Oui, et je les revendique ! Je suis un Gueux, (contestataires flamands du XVIème siècle – Tijl Ullenspiegel, ça doit vous dire quelque chose), un Croquant, un Sans Culotte, un Camisard (sans être protestant). Et elles sont dans mes dessins. Je ne veux SURTOUT PAS être impartial. Avec mon maître Jacques Brel, je chante devant l’auberge des Trois Faisans. Non mais…
On se sent beaucoup mieux, en effet. Quand j’ai fini mon dessin quotidien, j’attends le prochain petit dèj. pour en faire un autre. J’adore le pain grillé…
Pour 2012 avez vous un plan de bataille ? La campagne présidentielle fera-t-elle de votre part l'objet d'un traitement particulier ? Avez vous envie de soutenir ou dézinguer un candidat, un parti plus spécifiquement ?
Quoiqu’en disent mes vieux copains les Anars, j’irais voter. Et mes cibles dessinées seront tous les hypocrites et malfaisants qu’on va voir se chamailler pour chiper un bout du gâteau. Gâteau qui doit-être succulent quand on voit comme ils se le disputent ! Bien sûr, que je vais soigner la campagne. Et j’ai l’impression que je continuerai après ! Les favoris auxquels on nous conditionne seront tous d’excellents clients. Mapeine Lerine en Brunehilde, Sarko-couilles-de-mes-deux-zi et son tabouret Louis XVI, l’affameur du FMI ! Y’aura encore du boulot !…
Pensez vous qu'un dessinateur puisse influencer le vote des citoyens ?
Faut pas rêver ! Les gens qui nous regardent en riant sont déjà des convaincus, les autres doivent nous détester ! Ça fait du bien de sentir haï par des cons !
Comment travaillez vous concrètement ? Au crayon ? A la plume de pigeon comme Chirac ? Avec un logiciel de derrière les fagots? Racontez-nous vos recettes de fabrication on ne les répètera pas !.
J’ai un pote toubib qui me refile les carnets de prescriptions vierges que lui laissent les visiteurs médicaux, j’utilise un porte mine Bic Matic de 0,7 mm #2, achetés en paquet de 10 (promotion de rentrée des classes) et des feutres pour gamin (même provenance) trouvés dans un supermarché. C’est ma façon de lutter contre ma perte de pouvoir d’achat !..
Comment voyez vous l'évolution de la liberté d'expression dans notre pays ? Et demain ce sera pire ? Etes vous prêt à mourir sur les barricades pour la défendre ?
Je la vois se faire étrangler petit à petit. Si on laisse les pingouins actuels continuer à nous « gouverner », ça va bien sûr être pire ! Laissons des Hortefeux ou aujourd’hui Guéant avec les coudées franches et on aura une Gestapo « à la Française ». On devrait s’attendre vous et moi à passer à un régime d’oranges apportées par les copains. Pour ce qui est des barricades, je me vois mal coltiner des pavés à mon âge. De toutes façons, y’a plus d’pavés ! Et les gens susceptibles de construire des barricades sont encore endormis.
Internet vous apporte-t-il quelque chose en tant que dessinateur, ou l'inverse ?
Oui, l’opportunité d’être vu et reconnu par de plus en plus de gens. C’est loin d’être négligeable. J’espère que cela deviendra exponentiel.
Internet me permet aussi de faire du télétravail. Mon éditeur est en Hollande et mon scénariste à 400 km de chez moi. C’est particulièrement confortable… et plus sûr que la Poste ou DHL !
Quel serait votre plus grand bonheur en tant que dessinateur ? Pourquoi ?
Y’en a deux :
Le premier est en route : redémarrer la série de BD d’électronique. Les personnages de Rési (la résistance) et Transi (le transistor) sont mes seuls enfants et je déplorais fortement de les voir au chômage.
Le second : ne plus avoir à faire des dessins grinçants contre tel ou tel politicard, parce que ça va mieux !
Mais ça, c’est plutôt un vœu pieux !
Retrouvez les précédents interrogés : Biz - Na ! - Florian Roulies - Philippe Decressac - Jardin - Erby - Laplote - Jac - Troud - Wingz - Rodho
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