Le petit Nicolas Sarkozy n'en fini plus de choquer en disant tout et n'importe quoi.
Lisons ce que pense un écrivain qui analyse la bêtise de notre sinistre de l'intérieur. Cela fait mouche une fois de plus. Et aucun Sarkolatre pour défendre son petit favori, trop petit pour enfiler le costume qui le fascine ..
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La langue de Nicolas Sarkozy
par Martin Winckler
Pour Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur de la France républicaine, il est concevable de régulariser les papiers des immigrants en situation irrégulière à condition que leurs enfants soient 1° scolarisés, 2° nés en France et 3° ne parlent pas la langue de leur pays d’origine (dans un autre organe de presse j’ai lu « n’aient aucun lien avec leur pays d’origine »).
1° Nés en France, cela va sans dire. Même si, contrairement à ce que je pensais jusqu’à aujourdhui, en droit, une personne née en France est française si, et seulement si, un de ses parents est lui-même français... Les enfants nés en France qui y résident depuis plus de 5 ans peuvent demander la nationalité française... à partir de l’âge de 16 ans. Ca donne le temps de les reconduire à la frontière.
2° Scolarisés, est-ce qu’il faut vraiment le préciser ? L’école rHHHHépublicaine est là pour accueillir tout le monde (sauf les filles voilées, bien entendu). L’instruction est gratuite, laïque et obligatoire. Notez bien que s’ils sont seulement scolarisés (mais pas nés en France), ça ne vaut pas : voici ce qui vient de se passer au Mans, la ville d’où j’écris....
Des policiers français viennent chercher deux enfants kurdes à la maternelle
LE MANS (France), 6 juin 2006 (AMI) - Des policiers français sont venus chercher mardi dans une école maternelle du Mans (ouest) deux petits frères kurdes dont la mère était en cours de reconduite à la frontière après le dépôt d’une demande d’asile politique, a-t-on appris auprès des enseignants.
Accompagnés d’une traductrice, les deux policiers en civil se sont présentés à l’école maternelle Julien Pesche afin d’emmener les deux enfants, âgés de 3 ans et demi et 6 ans, pour rejoindre leur mère qui avait été conduite auparavant au commissariat en vue d’une reconduite à la frontière.
Le directeur de l’établissement a remis les enfants aux policiers après avoir obtenu le feu vert de sa hiérarchie. Les enfants étaient scolarisés dans cette école depuis mars dernier. "Les deux petits commençaient à s’intégrer (...) Ca nous a choqué. Venir dans une école, ça ne se fait pas", a témoigné une enseignante.
Selon la préfecture du département de la Sarthe, la mère aurait déposé des demandes d’asile politique dans plusieurs pays, dont la France. Elle devrait être renvoyée vers la Norvège, pays où elle aurait déposé sa première demande d’asile. Elle aurait quitté la Norvège sans attendre la fin de l’instruction de son dossier, a-t-on précisé de même source.
Cette opération est intervenue alors que le ministère de l’Intérieur annonçait mardi son intention de faire un geste et de régulariser des enfants sans-papiers scolarisés, ainsi que leurs familles, à condition que ces enfants soient nés en France et ne parlent pas la langue du pays d’origine de leurs parents.
Selon les premiers chiffres du ministère, ces mesures concerneraient 720 familles, soit près de 2.500 personnes. Selon le collectif Uni(e)s contre une immigration jetable, au moins 10.000 jeunes scolarisés et leurs familles sont actuellement expulsables en fonction des dispositions légales.
Des parents, des professeurs, des associations se sont mobilisés dans plusieurs villes pour empêcher des expulsions d’enfants clandestins. (A.M.I)
Certes, la mère a déjà fait une demande d’asile politique en Norvège et, d’après les accords européens, c’est le premier pays sollicité qui doit traiter la demande. Mais était-il nécessaire d’aller faire chercher les enfants à l’école en milieu de journée par des policiers ? Etait-il inconcevable que la mère elle-même (accompagnée, au besoin, par une policière en civil, si on avait peur qu’elle s’éclipse) aille les chercher à la sortie de l’école ? Etait-il inconcevable que la situation soit expliquée aux enseignants et aux autres enfants - au lieu d’agir selon une procédure qui rappelle furieusement l’Occupation et la Collaboration ?
À mes yeux de citoyen, ces enfants kurdes ont subi la même violence que les enfants juifs complaisamment raflés pendant la seconde guerre mondiale. Soixante ans après Vichy, les forces de l’ordre, au lieu d’être les garants des libertés, sont encore et toujours l’instrument d’un gouvernement qui ne s’embarrasse pas de respect de l’individu.
3° La langue du pays d’origine - c’est sur ce point que la « pensée » de Nicolas Sarkozy est la plus claire. Faire de la méconnaissance de la langue du pays d’origine (ou l’ « absence de tout lien avec le pays d’origine ») par les enfants nés en France une condition à la régularisation des familles ce n’est pas seulement monstrueux, c’est aussi d’une grande perversité.
Car tout enfant d’immigrant entend ses parents parler leur langue d’origine, la comprend, et la parle lui aussi. Même s’il apprend à l’école la langue du pays d’accueil. Il ne peut pas en être autrement à moins d’interdire aux parents de parler leur langue maternelle devant leurs enfants, et de ne s’adresser à eux que dans une langue d’accueil qu’ils maîtrisent le plus souvent très mal.
Et ce serait d’autant plus stupide de le faire que les enfants sont souvent en eux-mêmes le principal vecteur d’intégration des parents : parlant les deux langues ils deviennent les interprètes de leurs parents.
Moi qui en 1962 ai émigré avec mes parents en Israël, pays dont je ne connaissais pas la langue, j’en sais quelque chose : au bout de quelques mois, mon frère et moi, qui avions respectivement 7 et 6 ans, parlions mieux l’hébreu que nos parents. Et s’il avait fallu que nous cessions de parler le français ?
Question : si un citoyen venu d’un pays anglophone demandait l’asile politique en France en raison de persécutions exercées sur lui par le gouvernement Bush, préciserait-on comme condition que ses enfants ne parlent jamais l’anglais ? Leur interdirait-on de prendre l’anglais comme première langue dans un collège ou un lycée républicain ? Et si un enfant de réfugié chinois né en France décide d’étudier le Chinois au lycée, va-t-on l’empêcher de le faire ? Jusqu’à quel âge ces enfants seront-ils privés de tout contact avec leur pays ou leur culture d’origine ? Et dans la mesure où leur premier lien avec cette culture, cette langue, ce pays est représenté par leurs parents, Monsieur Sarkozy veut-il dire que les enfants pourraient être gardés en France, mais que pour bien faire, les parents en seraient, eux, expulsés ?
Interdire à quelqu’un de parler sa langue ou la langue de ses parents, c’est cruel et c’est barbare. Faire de l’ignorance (ou du mensonge) une condition d’intégration, c’est pervers et monstrueux. Et, en pratique, ce n’est pas seulement monstrueux, barbare et pervers. C’est aussi très, très con.
Il est impossible qu’un enfant ignore ses origines culturelles - la langue d’origine en est non seulement le cœur mais aussi le vecteur. Et on peut se demander si Nicolas Sarkozy, qui n’hésite jamais à rappeler qu’il est lui-même issu d’une famille d’immigrés, ignore tout de la langue de ses ancêtres.
En tout cas, le langage politique du ministre de l’Intérieur n’a rien de maternel. Ce n’est pas un langage d’ailleurs. Un langage, c’est un outil de communication, d’échange, de partage, d’intelligence.
Quatre mots totalement... étrangers à Nicolas Sarkozy.
Martin Winckler
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